Interpellation du ministre sur les conventions SIS-GRDF
Montreuil, le 16 juin 2025
M. Bruno RETAILLEAU,
Ministre de l’Intérieur
Place Beauvau
75800 Paris Cedex 08
Objet : Mise en place de conventions entre les SDIS et Gaz Réseau Distribution France (GRDF)
Monsieur le ministre de l’Intérieur,
La Fédération CGT des Services Publics, son collectif des Services Départementaux d’Incendie et de Secours (SDIS), et la Fédération Nationale des Mines et de l’Energie CGT expriment une profonde inquiétude quant à la mise en place de conventions entre les SDIS et Gaz Réseau Distribution France (GRDF).
Nous vous alertons sur les risques potentiels de ces accords, craignant un transfert inapproprié de missions et de responsabilités vers les sapeurs-pompiers, dont ce n’est pas la vocation première et qui n’ont pas l’expertise gazière, d’un agent spécialisé de GRDF.
L’Opposition de Principe à l’Extension des Missions des Sapeurs-Pompiers constitue le premier point d’achoppement que nous soulevons. Nous réaffirmons avec force que les sapeurs-pompiers n’ont pas vocation à se voir confier des tâches supplémentaires, en particulier si celles-ci impliquent un alourdissement de leur responsabilité. La CGT dénonce une tendance insidieuse observée au sein des SDIS, où des situations initialement considérées comme exceptionnelles tendent à se normaliser, comme on l’a déjà vu par le passé, accentuant une surcharge de travail que vous reconnaissez.
Ce transfert de missions est de plus en contradiction avec le recentrage des missions évoqué par les ministres successifs, les présidents de SIS, les parlementaires.
Parallèlement à GRDF, selon la Direction Nationale, le critère de temps d’arrivée sur place de ses équipes respecte le contrat de service public qui lie GRDF à l’Etat.
Pourtant, depuis 2018, le Distributeur a diminué d’un tiers le nombre de ses Zones Élémentaires de Première Intervention Gaz (ZEPIG) par le biais d’un élargissement de leurs périmètres respectifs. Ces réorganisations mettent à mal la proximité des techniciens spécialisés et compétents pour intervenir rapidement sur certains secteurs.
Ces décisions, dictées par des appétits économiques, amènent GRDF a vouloir aujourd’hui modifier les conventions avec le SDIS afin de transférer une partie de ses responsabilités au détriment de la sécurité des personnes et des biens.
Aucun argument d’amélioration de la sécurité ne peut être considéré crédible dans ce nouveau projet, la seule motivation est économique.
Le drame de la rue de Trévise à Paris, où les techniciens de GRDF ont été mobilisés après l’arrivée de la BSPP, a tristement rappelé à quel point la présence de véritables professionnels du gaz naturel est capitale pour prendre les décisions adaptées dans les meilleurs délais et tenter de préserver au mieux la vie des citoyens, comme celle des forces de secours.
L’analyse détaillée de la convention type SDIS-GRDF révèle des points spécifiques qui suscitent une vive inquiétude. Si la CGT reconnaît que l’accord, fruit d’une concertation avec la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises (DGSCGC), vise théoriquement à améliorer la coordination opérationnelle par des manœuvres communes et un partage d’expériences, certains articles soulèvent des objections majeures.
L’Article 6, relatif à l’écrasement des branchements en polyéthylène, est particulièrement ciblé. Bien que présentée comme une opération « optionnelle » pour les sapeurs-pompiers, la CGT exprime une forte appréhension que cette possibilité ne devienne, à terme, une obligation tacite, imposant aux pompiers une nouvelle compétence technique et une responsabilité accrue dans des interventions liées au réseau gazier.
D’autre part, ce même article laisse la possibilité à un agent de GRDF de pouvoir effectuer cette opération seul avec comme deuxième personne compétente un sapeur-pompier.
De même, l’Article 4.4, concernant la « Fin de PGR – risque maîtrisé », est source de préoccupation. Cette disposition permet de mettre fin à une « Procédure Gaz Renforcée » (PGR) et de la maîtrise du risque. Dans ce cas de figure, les renforts des équipes spécialisées de GRDF pourraient ne pas se déplacer sur les lieux de l’intervention. La CGT y voit un risque significatif de transfert progressif de la responsabilité de la gestion des incidents gaziers vers les sapeurs-pompiers. Ces derniers pourraient ainsi être amenés à intervenir et à déclarer la situation sous contrôle sans la présence systématique et l’expertise des équipes de GRDF, dont c’est pourtant le cœur de métier.
Pour la CGT, ce type de convention démontre les motivations réelles de GRDF ayant pour but de lui permettre de faire des économies en affaiblissant son maillage territorial et en diminuant le nombre d’agents dédiés aux interventions « urgence gaz ».
La façon dont le principal Distributeur de gaz en réseau a fait évoluer, ces dernières années, son modèle économique en matière de sécurité gaz et de qualité de service rendu à l’abonné a déjà fait l’objet de vives inquiétudes.
Certaines décisions, aiguillées par une logique économique effacent peu à peu certains aspects sécuritaires depuis la privatisation de Gaz de France. Si l’Etat n’agit pas rapidement auprès du Distributeur, ces stratégies risquent de dégrader la qualité d’exploitation du réseau de gaz.
Les sapeurs-pompiers n’ont pas vocation à permettre à une entreprise d’externaliser certaines de ses responsabilités opérationnelles, en se déchargeant d’une partie de ses missions et de ses responsabilités sur les SDIS potentiellement au détriment de la sécurité des interventions et des conditions de travail des sapeurs- pompiers, dont la mission de protection de la population pourrait s’en trouver compromise.
Les SDIS, par leur règlement opérationnel, décline l’armement d’un engin pompe armé réglementairement comme le précise l’article du CGCT de 6 SP à 4 SP. Sur une procédure gaz renforcée en plus du déficit de personnel de GRDF, nous ne garantissons pas que nos moyens sapeurs-pompiers soient armés réglementairement.
Enfin comme le précise le guide de doctrine opérationnel dans ses pages d’introduction, une doctrine reste une référence opposable soumise au pouvoir d’appréciation du juge.
Dans un moment où la judiciarisation de la société n’épargne pas les SIS qui voient leur responsabilité engagée plus souvent, les interventions pour fuite de gaz ont régulièrement endeuillé les sapeurs-pompiers et les gaziers, donnant lieu à des procès, ce n’est pas à ignorer.
La légèreté avec laquelle les modifications proposées par ces conventions sont appréhendées par les SIS laisse songeur, l’intérêt des services d’incendie et de secours et des agents n’est pas de signer les conventions en l’état.
Vous l’aurez compris, nous estimons qu’il est temps que l’Etat, premier acteur de la chaîne de sécurité gaz, prenne ses responsabilités et s’empare de ces questions afin de remettre en œuvre une politique plus sécuritaire au service des citoyens.
Sachant pouvoir compter sur votre sens des responsabilités et votre esprit de dialogue, nous attendons avec intérêt vos propositions concernant les alertes émises par les professionnels des SDIS et de GRDF.
Dans l‘attente de votre retour, veuillez recevoir, Monsieur le ministre de l’Intérieur, nos salutations respectueuses.
Pour la Fédération Nationale des Mines Pour la Fédération CGT des Services publics
et de l’Energie CGT
Fabrice COUDOUR Natacha POMMET
Secrétaire Général Secrétaire générale
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